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Rencontre avec le Chef Renato Carati, Conversation en "Stile Libero"

"Mon métier ? Bien plus qu’un travail, un devoir."

Durant nos vacances de Noël, nous avons eu l’honneur de rencontrer le Chef Renato Carati du restaurant « La Table des Matières » à Mons. Non loin du centre ville, le restaurant se situe dans une ancienne écurie du 18ème siècle adjacente à un portique très ancien et de toute beauté.  Un endroit qui, de suite, nous donne l’impression d’être des privilégiées…
Un restaurant, une vie, qui a été rythmée par un tas de rencontres,  importantes et déterminantes telles que celle avec Monsieur Aldo Vastapane, Franco Dragone ou encore Elio Di Rupo à tel point qu’en Belgique, Monsieur Renato Carati est plus connu comme étant le «  Chef des V.I.P.s ». Au fil du temps, à force de servir l’Italie de qualité sur ses tables, ce chef italo-belge s’est fait un nom et est, lui aussi, devenu une étoile dans son domaine. 

Contrairement à bon nombre de ses collègues, Monsieur Carati ne se contente pas de rester derrière les fourneaux ; il s’efforce de transmettre l’Italie, l’authentique, tant dans son restaurant qu’à la radio, à la télévision et dans la presse. En somme, il est sans nul doute,  l’ambassadeur par excellence de la gastronomie italienne en Belgique et en France.

Un Amoureux inconditionnel de l’Italie qui est contre la globalisation et qui revendique la cuisine de son pays d’origine coûte que coûte. Mais attention, pas n’importe quelle cuisine italienne, en effet, Renato Carati mène depuis plus de 20 ans, un vrai combat contre le concept de l’ « Italian Souding » et n’offre à ses clients que des produits directement importés de la péninsule. Parlant très peu de son travail, il préfère insister sur son devoir de diffusion de la culture italienne. D'ailleurs, chez lui, on ne vous servira jamais des pâtes en accompagnement de viande ou de poisson car , contrairement à ce que l'on pourrait croire, ceci n'est pas coutume en Italie. Les pâtes se servent seules, en entrée. Renato Carati est impartial là-dessus : les gens viennent chez lui pour manger italien mais aussi pour vivre un moment d’Italie tant au niveau gastronomique que culturel.  Tout à fait surprenant !

C’est sur les notes de Jazz de Mario Biondi, un bon café ristretto et un croissant bien chaud que débute notre rencontre avec ce chef à la fois rigoureux et décontracté.





L’Amour de son Métier :
Issu de la vague migratoire italienne de l’après guerre, de mère sicilienne et de père salentino (Martano), Renato est né le 21 décembre 1963 à La Louvière. Sa famille était humble et modeste et c’est avec une certaine émotion que notre chef évoque sa douce maman, qui, chaque dimanche, exigeait qu’il y ait une belle nappe et un bouquet de fleurs fraîches à table pour leur « donner l’impression de ne pas être pauvres ». Une mère qui avait donc un grand sens du goût malgré leur situation précaire. L’autre membre de la famille qui fut déterminant durant l’enfance de Renato, c’est son oncle « lo Zio » qui était Majordome chez un Baron à Bruxelles. Renato était littéralement subjugué par cet homme qui apprêtait la table du salon muni de ses gants blancs alors que sa tante était en cuisine à faire mijoter des bon petits plats. Avec du recul, Renato nous confesse que "c’est sans doute cette beauté et cette élégance des choses" qui l’ont conduit à faire ce métier. 
Inévitablement, il s’inscrit à l’école hôtelière et débute dans la restauration en faisant son entrée dans le monde de la pizzeria. C’est à ce moment précis que sa carrière sera tracée par des rencontres importantes et déterminantes.

Ses Bonheurs de Rencontres  
Renato nous raconte avec ferveur qu’il n’est que le résultat de ses "bonheurs de rencontres" comme il dit si bien. Tout commença dans les années ’90, alors qu’il avait une pizzeria, Monsieur Aldo Vastapane (Baron, homme d’affaire et propriétaire de la compagnie charter Sobelair entre autre), client de l’époque, lui ouvrit les yeux en l’incitant à ne pas se contenter d’une pizzeria mais au contraire, de viser plus haut.
Notre Chef a besoin d’un peu de temps pour se faire à l’idée… Entre-temps, il rencontre Rosario Amedeo, aujourd’hui comédien talentueux (il donnera très prochainement la réplique à Jean Dujardin dans le film « La French ») qui le pousse à faire du théâtre. Alors qu’il venait de jouer une pièce de Feydeau, sur le chemin du retour, Renato tombe nez-à-nez sur une maison à vendre, c’est le coup de foudre. Cet endroit lui plaît beaucoup et le trouve parfait pour son tout premier restaurant car il possède une entrée latérale qui donne un sens de "privatisation" aux clients. Et de fait, quelques semaines après l’inauguration, le restaurant se remplit d’une clientèle d’élite. 
« On est le résultat de nos rencontres »
Renato a eu la chance de servir de nombreux artistes, chanteurs, journalistes, de grands noms du cinéma tels que Emilie Dequenne, Georges Lautner, Sergio Castellito, Venantino Venantini ou encore Claude Lelouch mais aussi de grands artistes internationaux comme Andrea Boccelli ou Franco Dragone (Show Maker dont le nom est étroitement lié au « Cirque du Soleil ») etc.  Et puis, beaucoup de politiciens dont un auquel il est particulièrement attaché puisqu’il se rend très souvent au restaurant : Monsieur le Premier Ministre Elio Di Rupo. Et puis, petite cerise sur le gâteau, Renato a même eu l’honneur de cuisiner pour la Cour Royale de Belgique faisant face au service du protocole "avec beaucoup d’amour et d’émotion" car il retrouva alors les gestes et l’attitude de son Zio.  
Ce restaurant devient donc, pour notre chef, un lieu de rencontres et d’échange de savoirs ; l’occasion pour lui de transmettre aux autres sa passion et de "raconter sa petite histoire italienne" de façon simple et joviale.
Le voici entre autre avec deux « Pugliesi DOC », en photo, à gauche,  Monsieur Nico Cirasola et, à droite, Monsieur Alessandro Contessa, réalisateur et  producteur du film « Focaccia Blues », tous deux sont devenus de bons amis de Renato :
C’est d’ailleurs là aussi qu’il a fait la connaissance de Jean-Michel Zecca, animateur radio et télé, originaire de Gallipoli, qui lui proposa, il y a 15 ans, de parler de sa cuisine à la radio (Bel RTL) : "Jean-Michel fut le premier qui m’a donné l’opportunité de dire ce que j’avais à dire sur l’Italie à un grand public…". Et, de fil en aiguille, grâce à sa grande capacité d’orateur, Renato a été contacté par d’autres chaînes radio et télévision, par des groupes de presse pour écrire des chroniques et aujourd’hui, il produit même ses propres films avec Vincent Stuart de la société EK-TV.
Renato Carati est sans aucun doute LA référence de la gastronomie italienne en Belgique et en France. Mais, revenons-en à sa vie de restaurateur pour mieux comprendre cet aboutissement.

Sa Vie d’Aubergiste :
Renato aime se définir comme étant un "Aubergiste" et non un "Chef". En effet, il déteste ce mot : "ça me met mal à l’aise : j’ai l’impression que l’on anoblit une profession de manière exagérée. Le mot « Chef » est devenu un symbole de grandeur mais c’est faux". En revanche, il préfère de loin le mot « aubergiste » qui signifie être à la tête d’un restaurant au cadre intime et chaleureux et évoque aussi le fait de "savoir recevoir, d’être au service de quelqu’un".

La cuisine de « La Table des Matières » suit le rythme des saisons, le but de Renato est en effet celui d’offrir la bonne cuisine italienne mais aussi d’offrir un moment de culture italienne.  Il n’est donc pas question de menu fixe : ses mets peuvent aller de la « simple » pasta e fagioli  (pâtes et haricot) à un risotto plus élaboré aux coquilles Saint-Jacques et Truffe Noire. La carte du restaurant est rythmée au jour le jour par les produits, l’inspiration du moment et surtout par la personne qu’il y a au bout du plat. Quand on prend place dans ce resto-théâtre, le personnel ne vous demandera jamais ce que vous désirez manger : il vous demandera simplement combien de services vous souhaitez et si vous aimez manger de tout - "cela me permet d’apporter des choses que les gens n’auraient jamais mangé autrement", nous dit-il. Il s’active alors en cuisine, il crée, il sort en salle plat à la main, se présente lui-même aux tables et explique l’origine des matières premières, il les met en contexte, il en raconte l’histoire. Il lui arrive même d’organiser des soirées à thème sur telle ou telle région italienne et, lorsque le restaurant est plein, il demande aux gens de faire silence et "carte à l’appui, je commence à donner une petite leçon de géographie culinaire tout en expliquant humblement et dans la bonne humeur l’origine des produits que les gens ont dans leurs assiettes".

Il est évident que pour lui, son métier n’est pas fait que de cuisine mais aussi de personnes. Il nous confie d’ailleurs, que son métier, "avant d’être un travail, c’est un devoir" : un devoir de communication qui, au fil du temps, a pris de plus en plus d’ampleur résultat d’une part, de l’amour inconditionnel qu’il porte pour l’Italie et d’autre part, parce qu' "en Belgique, on connaît beaucoup mieux la gastronomie française que celle italienne" et ça, ça l’agace. Renato ne supporte pas que l’on généralise la cuisine de son pays d’origine ; il nous illustre sa pensée en prenant l’exemple du « parmigiano » : "tout le monde sait qu’il s’agit d’un fromage italien mais presque personne ne sait me dire de quelle région il vient et comment il est fait..."  c’est dans ces cas là que Renato intervient, carte géographique à la main, passant de table en table pour expliquer, informer les gens et leurs faire comprendre que « l’Italie, ce n’est pas que la  Pizza ».

L’Italie des territoires de la cuisine
Cet art de parler en public, cette générosité oratoire, on la retrouve également dans ses assiettes qui mettent l’Italie des territoires à l’honneur. En effet, son devoir de transmission va de paire avec une grande attention pour le choix des matières premières. 

Pour ce faire, notre chef se déplace personnellement en Italie afin de rencontrer les producteurs, goûter et choisir. À quelques exceptions près, tous les produits se trouvant dans la cuisine de Renato sont directement importés de la botte italienne : il utilise l’huile d’olive du Salento, l’origan de sa belle-mère (Foggia), le sel de Sicile etc.  Parfois, il lui arrive même de se procurer des rape (légume de la famille des brocolis), des artichauts romains et bien évidemment, des tonnes de tomates. Au-delà de la bonté du produit, Renato sélectionne la matière première aussi en fonction du producteur qu’il a devant lui. Il nous confie d’ailleurs qu’il a un faible pour  La Monticella, entreprise de Foggia, la seule au monde où les tomates sont encore pelées à la main, comme autrefois…
« J’aime collaborer avec des gens qui en veulent »
Grand respect et valorisation de la matière première. Pour preuve, ce « canard aux petits légumes et mousseline délicate de pommes de terre » :

ou encore ce merveilleux dessert « Tartelette de mousse au chocolat noir, Pistaches de Bronte et Figues Noires avec glace à la vanille, croccantino et coulis de fruits rouges »: 

Deux plats que nous avons eu l’honneur et le privilège de déguster, l’un plus beau que l’autre, à la fois généreux en goût et en même temps esthétiquement impeccable. Tout simplement sublime ! 
Facile de comprendre que tout ce travail de fond, cette recherche du produit de qualité, sont étroitement liés à son « devoir » de communication. Il est en effet primordial pour lui que les gens sachent qu’on mange bien en Italie, partout !  Pour lui, la cuisine italienne, c’est la perfection, produits simples, utilisés sans trop d’artifices, c’est la terre qui parle et pourtant, durant sa formation d’hôtellerie, on ne lui a jamais parlé d’Italie. Une amertume que Renato a appris à maîtriser ; il l’a transformée en un immense désir de repositionner l’art culinaire italien à son juste titre. C’est ainsi que, petit à petit, il a voulu manifester son combat en dehors des murs de son restaurant, en allant au-delà du petit écran et le voilà donc avec sa toque de réalisateur de projets concrets au niveau local.


Projets Concrets : de la communication à l’ action 
Guidé par cette amertume qui le ronge depuis des années, Renato Carati a mis sur pieds un dessein ambitieux qu’il a intitulé « Italia Chef 2014 ».  Il s’agit d’un projet qui aura lieu au mois de mai prochain et dont le but est d’insérer la cuisine italienne dans les écoles hôtelières belges de façon ludique et amusante. L’évènement consistera à sélectionner les meilleurs élèves des meilleures écoles hôtelières du pays et de les mettre à l’épreuve lors d’un concours de cuisine. Les cuistots s’affronteront à coups de fourchettes en réalisant des plats italiens imposés. Après quoi suivra aussi le projet « Casa Italia » en 2015, à Mons, alors que la dite ville sera Capitale de la Culture Européenne.  Le projet portera lui aussi sur la cuisine italienne et ce qu’elle représente à travers Traditions et Modernités. Un espace sera créé où des chefs de différentes régions italiennes pourrons s’exprimer dans un évènement à dimension européenne.
On a vraiment hâte de voir tout ça ! Notre cher Renato est vraiment sur tous les fronts.

Pour conclure cette agréable conversation, nous avons demandé au Maestro Carati de donner quelques conseils aux jeunes qui souhaitent entreprendre son parcours. Voici ce qu’il nous a répondu :
"Je n’ai pas vraiment de conseils à leurs donner si ce n’est qu’il faut simplement suivre le bon exemple. Avoir des références et en tirer le meilleur. Les jeunes d’aujourd’hui doivent ouvrir leurs yeux, mettre le bon pied au bon endroit, au bon moment et surtout, aller vers les autres. Dans la vie, on a besoin de gens, et s’ils ne viennent pas à vous, il faut aller les chercher. C’est vraiment important. Sortez de votre timidité mais toujours avec courtoisie, poliment, avec un certain sens du goût et du dynamisme et alors avec une « allegria moderata », une allegria modérée et non exagérée pour ne pas tomber dans le cliché de la superficialité. Aller vers les gens peu importe qui vous êtes.  Et puis, ne pas oublier que le métier de cuisinier, c’est plus qu’un métier, c’est une vie. Mais, quand on arrive à le faire, on n’a pas l’impression de travailler et du coup, la vie est belle !".

Renato Carati remercie tous ses « Bonheurs de Rencontre » et en particulier :
-Luigi Biasetto (Vainqueur de la Coupe du Monde de Pâtisserie - Padoue);
-Sabrina Merolla (animatrice télé du programme « Buon Vento » - Pouilles) ;
-Angelo Inglese (Couturier du Prince William D’Angleterre – Ginosa, Tarante);
-Alessia Perucci della “Masseria Le Fabriche” (Marugio-Taranto) ;
-Mariagrazia Picchi et son “Salon Culinaire” (Ecrivain gastronomique et ambassadrice des produits de l’Emilia Romagna);
-Rita Di Castro –  Olio d’Oliva Santa Clea (Femme d’affaires-Calabre);
-Frank Discepoli, avocat et compagnon de route et d’idées depuis toujours.

En ce qui nous concerne, il ne nous reste plus qu’à remercier l'Aubergiste Carati pour sa générosité, son “allegria moderata” et surtout pour sa passion pour l’Italie. Nous le remercions pour nous avoir ouvert son restaurant alors qu’il était fermé, pour nous avoir accordé sa matinée malgré un agenda bien chargé et merci pour l’inoubliable dégustation.
Enfin, nous tenons aussi à remercier tout le personnel de « La Table des Matières » en particulier Monsieur Mario Jelwan-Second de Cuisine et Madame Antoinette-sa charmante épouse.
Merci pour ce beau moment d’Italie ! ça, c’est vraiment l’Italie qu’on aime !

Si vous aussi, vous avez aimé notre Chef Carati dans cette interview, nous vous conseillons d’approfondir en regardant ce film réalisé par Martine Lelouch : « L’Odeur du Pain. Renato Carati vu par Martine Lelouch. »
http://www.renatocarati.com/vu-par-martine-lelouch/

ou encore d’aller à la rencontre du chef Carati directement, dans son restaurant à « La Table des Matières » - Rue Grand Trou Oudard, 16-7000 MONS – Belgique - Tél. 0032(0)65.84.17.06 – Web : http://www.renatocarati.com/


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